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«Je rêve d'un Honduras juste»

"Je rêve d'un Honduras juste"
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Andrea Regina Pineda est avocate au Honduras. Elle travaille dans l'organisation Centro Hondureño de Promoción para el Desarollo Comunitario (CEHPRODEC) et lutte pour les droits humains ainsi que pour le droit à la terre. Dans un entretien avec Aline Geissmann de PBI Suisse, elle se confie sur son travail et ses rêves.

Pineda a déjà toujours eu un sens aigu de la justice et a su dès son enfance, qu’une fois adulte, elle s’engagerait pour la justice sociale. C’est pourquoi qu’elle a décidé d'étudier le droit. Elle est convaincue que c'est la meilleure façon d'aider les femmes, les enfants et les personnes les plus vulnérables.

Vivre dans une bulle

Elle a effectué ses études dans une université privée. "Parmi mes camarades de classe, la situation des droits humains au Honduras n'était guère discutée; on ne parlait ni de la crise politique ni des protestations. C'étaient des sujets tabous", se souvient la jeune femme. "La majorité vivait dans une bulle, dans un monde parfait".

Les gens autour d'elle l'ont encouragée à chercher un emploi où elle gagnerait bien sa vie, or Pineda n'était pas intéressée par l'argent. Elle souhaitait trouver un travail qui la passionnait. C’est ainsi qu’elle a trouvé un stage au sein de CEHPRODEC, une organisation qui s’engage pour le droit à la terre et les droits humains. Elle s'est ensuite vu offrir un poste permanent.

Au CEHPRODEC, elle travaille dans la coordination de projets. Elle conseille et accompagne les communautés autochtones et anime des ateliers. Pineda ajoute: "La semaine dernière, nous étions dans une communauté avec laquelle nous n'avions jamais travaillé auparavant. C'était frappant. Les habitant∙e∙s de la communauté sont exploité∙e∙s par les grands propriétaires terriens et ne connaissent pas leurs droits. Notre objectif est de leur montrer qu’ils et elles ne sont pas seul∙e∙s dans leur lutte." Les visites dans les communautés la motivent à continuer à travailler pour les droits humains. Elle se considère non seulement comme une avocate, mais aussi comme une amie des personnes concernées. "Leur combat est mon combat", explique-t-elle avec détermination.

Dans cette lutte, Pineda est heureuse de pouvoir compter sur le soutien de PBI. "Lorsque PBI est impliquée, les habitant∙e∙s se rendent compte que leur situation suscite un intérêt international. C'est très édifiant. La présence de PBI nous aide à la fois en tant qu'institution et en tant que communauté."

Inquiétudes pour l'avenir et rêves impossibles

Pineda est préoccupée par le fait qu'il y ait davantage de zones illégalement occupées ainsi qu'utilisées pour l'exploitation minière. L'État hondurien est défaillant à cet égard. Selon l'Observatoire des ressources naturelles des droits de l'homme 2017 compilé par le CEHPRODEC, l'État hondurien a accordé 302 concessions d'exploitation et d'exploration sur une superficie de plus de 2000 kilomètres carrés. La plupart d'entre elles ont été accordées sans consultation libre et informée des communautés locales. En conséquence, la partie de la population qui se rebelle contre les compagnies minières se voit arrêtée et criminalisée. Pineda observe la montée de la violence et craint que la situation au Honduras ne dégénère.

"Je me sens impuissante et triste que l'État hondurien soit toujours aussi corrompu et que les personnes au pouvoir n'aident que celles et ceux qui sont politiquement aligné∙e∙s. Je rêve d'un Honduras où la justice est disponible et accessible pour toutes et tous, où l'empathie remplace la discrimination. Je rêve de changer le Honduras pour le mieux", dit Pineda, ajoutant que ce rêve restera probablement un rêve. Des changements aussi fondamentaux sont impossibles tant que les autorités actuelles restent au pouvoir.

La corruption a augmenté de manière significative suite à la pandémie : bien que beaucoup d'argent ait été mis à disposition pour lutter contre la pandémie, la population n'a pratiquement rien ressenti, regrette Pineda. Les malades étaient hébergé∙e∙s dans des tentes au lieu des hôpitaux mobiles promis, et les médecins manquaient de médicaments et de matériel pour l'hygiène.

"Tant de personnes sont mortes de la main de l’Etat. À côté d’assassinats directs, l’Etat est la cause de meurtres indirects causés par la négligence et des mauvaises décisions, par une sécurité sociale faible et par la corruption. C'est impardonnable. Je rêve qu'un jour la justice prévaudra", soupire Pineda. En attendant ce jour, elle continuera à défendre les personnes opprimées et à lutter pour ses idéaux.

Plus d'informations:

Andrea Regina Pineda en discussion avec PBI Suisse
Andrea Regina Pineda en discussion avec PBI Suisse