Aller au contenu principal

Colombie: «L'État protège insuffisamment les défenseurs·euses» - Óscar Ramírez

Oscar Ramírez
adrian

Président du Comité de Solidaridad con los Presos Políticos et avocat de profession, Óscar Ramírez se bat depuis près de 7 ans en faveur de la défense des droits humains. Lors de son speaking tour à Genève, il nous a parlé de la situation des droits humains en Colombie.

La Colombie est déchirée par un long conflit armé interne qui reste sans fin. Le dernier rapport de Front Line Defenders indique que la Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour les défenseurs∙euses des droits humains, comptant pour près de 46% de tous les assassinats de personnes défenseuses à travers le monde. Sur les 186 meurtres de défenseurs∙euses, 88 étaient liés à la défense de la terre, de l’environnement et des peuples autochtones.

1) PBI Suisse: Qui sont ces personnes en Colombie qui défendent les droits humains au prix de leur vie?

Oscar: Les défenseurs∙euses des droits humains en Colombie sont souvent assassiné·e·s pour s’être opposé·e·s aux dépossessions des terres, à la violence et aux politiques économiques qui appauvrissent les communautés. Ces attaques proviennent notamment d’organisations paramilitaires; ces dernières assassinent les défenseurs·euses des droits humains qui demandent l’accès à la terre, la reconnaissance de leurs droits, la paix sur leurs territoires et une meilleure protection de l'environnement. Dans ce contexte, l'État est responsable de ne pas protéger les défenseurs·euses, ainsi que de permettre et favoriser la prolifération de ces groupes paramilitaires. Rien qu'en 2023, entre janvier et le 24 mai, il y a eu environ 68 homicides de leaders sociaux.

2) Dans ce contexte de violence généralisée, comment peut être perçue une personne défenseuse en Colombie?

Être un·e défenseur·euse des droits humains en Colombie est un travail à haut risque, particulièrement pour ceux qui se trouvent dans les régions les plus reculées du pays où les institutions n’existent pas. En Colombie, il existe une véritable atmosphère de stigmatisation des personnes défenseuses : les personnalités proches de la politique traditionnelle et des pouvoirs économiques ont toujours véhiculé une image négative de la défense des droits humains, en créant des associations trompeuses d’appartenance de défenseurs·euses des droits humains à certains groupes. Ces scénarios de stigmatisation sont constants. En Colombie par exemple, une députée du centre démocratique a accusé les défenseurs·euses  des droits humains de faire partie de la guérilla ou de favoriser des groupes criminels, ce qui est tout à fait faux. Être un·e défenseur·euse en Colombie, c'est se battre pour des droits, mais aussi pour protéger sa propre vie et celle des autres.

3) Comment se traduit le soutien de PBI sur le terrain?

PBI joue un rôle fondamental dans la protection des défenseurs·euses en Colombie. PBI nous accompagne dans différents lieux, aide à créer une atmosphère favorable, génère et ouvre des espaces de plaidoyer très importants pour que nous puissions rendre visibles nos risques et nos préoccupations.

PBI travaille avec nous [le Comité de Solidaridad con los presos Políticos] dans de nombreux scénarios. PBI nous accompagne physiquement lors d’observations de manifestations et d’interactions avec les forces publiques. Lorsque PBI explique son rôle d’observateur international, cela a un effet positif sur le comportement des policiers, les dissuadant d’adopter une attitude violente à notre égard et de nous disqualifier. PBI nous aide également en nous formant à des éléments de protection et d'autoprotection de telle manière que, lorsque nous sommes confrontés à un risque quelconque, nous puissions réagir si nous avons besoin du soutien d'autres organisations spécialisées. PBI nous soutient également lorsque nous déposons des plaintes ou nous allons voir les institutions:  le fait que PBI nous accompagne incite toujours les institutions à prêter plus d'attention aux agressions potentielles à l'encontre des défenseurs·euses.

4) Qu’attendez-vous de cette 53e session du Conseil des droits de l’homme?

Avec d’autres collègues d'organisations de la société civile colombienne, nous sommes venu·e·s insister sur le fait que les violations des droits humains en Colombie sont dues à de nombreux facteurs. Toutefois le facteur déterminant, c'est la résolution du conflit armé interne. Nous attendons que le Conseil des droits de l'homme se prononce en faveur de la réalisation de la paix qui inclut tous les acteurs sociaux. Une paix qui doit comporter certains minima tels que des garanties pour les victimes, la protection des leaders sociaux, un système judiciaire qui parvienne à dévoiler ou à révéler les relations entre les structures armées, l'État et les hommes d'affaires, dans le but de générer un scénario favorable pour que la paix puisse être maintenue en Colombie pendant longtemps. Nous savons que c'est un processus qui prendra de nombreuses années, mais le fait que la communauté internationale se prononce en sa faveur est bien un signe que nous avançons.

Plus d'informations